Dans les profondeurs du Pays d’Orienne, régnait un jeune prince, aux yeux d’ambre. Ils brillaient tels deux étoiles dans la nuit. Le prince Armand était venu de loin, de très loin. Le Comté de Roussillon, cher à son cœur, se trouvait à des lieues, à des jours de cheval de ses nouvelles contrées. Chaque jour qui passait, il vivait en toute paix et tout en honneur avec son nouveau peuple. Ce jeune prince avait pris pour épouse, une charmante damoiselle du pays d’Orienne, dont les yeux étaient aussi doux que les courbes langoureuses de ses vallées. Il faisait vivre bon en ces contrées éloignées. La région était riche, et sa terre donnait les meilleurs vins de tout l’Est de la grande Francie.
Pourtant, ce beau prince venu des vallées occitanes, sombrait peu à peu dans la mélancolie. Ses yeux couleur d’ambre s’éteignaient comme le jour décline.
Aux petites heures d’un matin froid, le prince Armand scella son plus beau cheval ; un frison, couleur d’ébène, qu’il aimait comme une part de lui-même. Ils marchèrent deux jours, deux nuits, et enfin arrivèrent en la demeure du mage.
Ce dernier attendait sa visite et écouta avec toute la patience du monde et l’amour d’un père, le chagrin de ce jeune prince aux yeux d’ambre.
Armand disait avoir mal à l’âme. Il tentait d'exprimer son mal-être sans y parvenir. Compatissant, le mage lui dit alors :
« Vas sur les bords de la rivière Ténébruma, et attends que la fée de la source t’apparaisse. Cela peut prendre du temps. Peut-être devras-tu y retourner plusieurs fois avant de la voir, mais je t’en prie, au nom de l’amour qui est en toi, persiste ! »
Désabusé par le conseil de ce sage homme, le prince resta sans mot.
Chaque jour, le prince Armand passait de longues heures à espérer la fée Ténébruma. Petit à petit, le désespoir et le chagrin le gagnèrent.
« Mon bon prince, je t’ai vu venir chaque jour que Dieu à bien voulu faire. Je t’ai vu souffrir ta peine. Aujourd’hui, ton âme me semble apaisée et je permets de t’apparaître. Toutes ces longues journées passées à me regarder sans me voir, à te regarder sans te voir, t’ont enseigné la vérité. Le mage t’a envoyé à ma source pour que tu le découvres, pour que tu te découvres. Je te sais bien loin de chez vous, et je sais aussi que tu as dû adopter d’autres coutumes que les tiennes ; mais bon prince tu es et ton peuple te le rend avec ses honneurs. Ta bonté envers lui, envers ceux qui t’entourent t’ont éloigné de toi-même. En venant ici chaque jour, tu as repris connaissance avec ton être, avec ton cœur, avec ton âme. A vouloir être trop bon, tu en as oublié ton plus grand allié, toi-même.
Si tu n’es fort en ton royaume, tu perdras toute vigueur et, ce pourquoi tu te bats, disparaitra. Ton combat est ta liberté, ta joie, ta vie. Ne perds jamais cela de vue.
Si tu es libre, ton peuple sera libre. Si tu es joyeux, ton peuple sera joyeux et la vie s’épanouira.
Prends soin de ce trésor que tu as découvert malgré ton infortune.
Prends soin de ce trésor comme tu prends soin de l’ambre de tes yeux et regarde-la reprendre son éclat. »
Le prince resta un long moment silencieux.
Des larmes d’or commencèrent à couler doucement sur ses joues, puis sur son beau costume, finissant par l’envelopper de lumière d’eau. Son corps se mêla à la rivière. Il sentit l’Amour couler en lui. Il sentit Son Amour. Cet instant lui sembla éternel…
Lorsqu’il revint à lui, le crépuscule tombait. Il équipa son destrier et chevaucha en direction de l’occitan…
Il arriverait avant le lever du soleil…
5 commentaires:
Merci un ange passe pour cette jolie et sage histoire qui rappelle que toutes les clés sont en soi ! J'adore ton écriture..
Merci beaucoup Nath, belle journée à toi
Alors là !!!
Mais alors là !!!
C'est simple, je viens de lire ton conte deux fois de suite... c'est simplement sublime ;-)
merci, alors là merci !
je commençais à avoir des doutes sur mes talents de conteur ;-)
parfois lorsque le ciel est clair, on y voit de belles choses...
Je joins mes applaudissements à mes prédecesseurs en ce lieu enchanté. J'ai moi aussi relu le conte plusieurs fois pour bien m'en imprégner. J'aime particulièrement ce passage :
"A vouloir être trop bon, tu en as oublié ton plus grand allié, toi-même.
Si tu n’es fort en ton royaume, tu perdras toute vigueur et, ce pourquoi tu te bats, disparaitra. Ton combat est ta liberté, ta joie, ta vie. Ne perds jamais cela de vue."
Merci !
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