Comme toutes les fois où cela devient nécessaire...
Je file dare-dare chez le "coiffaire" !
A l'heure, mais pas tout le monde !
Je m'assieds et patiente...
Une belle madame, la mise en plis parfaite nous quitte, pour s'engouffrer voutée vers la cacophonie urbaine.
Une autre, la tête à la renverse, engluée de noir, se fait rincer !
Puis dans ce coquet balai, il apparaît...
La démarche peu sûre, un bon chien à ses côtés, il est en retard.
Il n'ose pas rentrer.
On lui dit qu'il a manqué le rendez-vous, qu'il faut en prendre un autre...
Il insiste gentiment, on lui dit non gentiment ...
Finalement ! La coiffeuse accepte...
Il est tendu, a du mal à s'assoir, à rester tranquille...
On lui lave les cheveux, comme on lave les cheveux de tout le monde.
On l'installe au fauteuil, comme on installe au fauteuil tout le monde.
Et le travail commence !
Assauts "tondeusiens", valse "cisalienne", tout autour de lui s'agite...
Je le regarde. Je le regarde comme on ne regarde pas tout le monde.
Je le regarde avec tendresse, il me regarde avec honte,
Je lui souris, ses yeux se baissent...
C'est un SDF qui est venu se faire couper les cheveux !
Il est venu pour garder son estime,
Celle qui s'échappe un peu plus chaque jour,
Celle qu'on ne lui accorde plus, parce qu'il est devenu un rebut de la société.
Il est heureux...
Je le vois, je le crois. A mesure que la coupe avance, il se détend, il doit se re-trouver beau.
Ce qui m'a touché aujourd'hui, c'est cette coiffeuse, Joëlle.
Elle est allée au-delà de ses apriori et de son appréhension.
Elle a hésité à redonner un brin de dignité à cet homme, puis son cœur a parlé.
Elle lui a apporté plus qu'elle ne pense.
Elle a refusé son pourboire, il lui a offert des fraises !A vous madame Joëlle, à vous Monsieur,Merci d'avoir illuminé ma journée.A vous, je dédie ces quelques mots et mes larmes de tendresse.