samedi 5 décembre 2009

La rencontre, mon retour...

La messe venait de s'achever avec les rires des enfants, rires qui étaient adressés à notre Mère. C'était une habitude que Padre Marco avait inculquée aux enfants, ainsi chaque jour, chaque messe était une fête. Trainant les pieds, je sortais péniblement sans le vouloir de l'église, de mon refuge... Cette sortie comme un retour à la réalité, à la vie et à ses turpitudes.
Loin de tout. Loin de moi. Je déambulais au hasard des petites rues imbriquées les unes avec les autres. Je errais au hasard de ce dédale aquatique, qui venait crever, envahir, pourrir cette terre mille fois conquise. Les couleurs de la ville s'étaient estompées comme sous l'effet de la puissante main d'un artiste revêche. Tout était gris. Tout se confondait. Le ciel, l'eau, la terre unis contre la vie. Les éléments se mêlaient, se mélangeaient, s'alanguissaient sur mon âme, comme une vieille amante désinvolte sur un jeune puceau. L'ombre majestueuse de la "Chiesa di Santa Maria della Salute" s'offrait à la large déchirure béante du "Canal Grande". Tel un serpent immonde, il charriait les vices de la vie moderne, vomissant sa multitude de petits bateaux.

Mon errance me conduisait aux limites de la ville, peut-être aux limites de moi-même. Je restais rêveur, pareil à un pèlerin arrivé au bout de sa quête. Les années avaient passé, insouciantes, légères. Mais aujourd'hui, le poids de la vie avait laissé sur mon vieux visage l'empreinte de la solitude. Épuisé et fataliste, je me laissais porter par un sentiment de plénitude, mêlée d'une sombre certitude. La fin... Inéluctable, froide et sans retour. Serein, je savais que les derniers moments s'annonçaient, avec ce goût amer qu'ont les tristes adieux. Mon regard se perdit dans le lointain.
Dans l'entrelacs de colonnes millénaires, qui veillaient solidement sur l'entrée de la ville, sa frêle silhouette se détachait timidement de cet horizon tourmenté. Il semblait m'attendre.


Surpris au plus profond de moi, surpris dans le tréfonds de mes sinistres pensées les plus intimes, je m'approchais. Moi que plus rien n'émouvait depuis tant années, je fus surpris de sentir mon cœur battre à tout rompre. Cette silhouette regardant l'horizon me troublait. Je m'approchais comme hypnotisé, plus rien n'existait.
Le froid, la pluie fine s'abattaient sur son doux visage, qui restait insensible aux odieux assauts d'un automne sans merci. Mon âme était troublée. Était-ce son gracieux visage ou sa solitude bienveillante qui me tourmentaient. Ou était-ce sa quiétude, son calme ?!... Ce que je n'avais plus ressenti depuis ma chute, venait de ressurgir avec la violence d'un ouragan en plein désert, balayant tout sur son passage, sans aucun regret.


Ébranlé, je restais muet devant sa beauté. Mon être tremblait, mais ce n'était ni le froid ni même la pluie qui me saisissaient. Le souvenir... Le souvenir de cette autre vie vint me submerger. Ce souvenir que j'avais pris tant de soin à dissimuler. Ce souvenir que j'avais refoulé pendant toutes ces années de duel ; à l'heure de mon départ, il surgissait avec la violence d'un coup de grâce.
Bouleversé, je tombais aux pieds de ce bel enfant immortel, au visage d'ange. Secoué d'ondes de choc émotionnelles, je portais les mains à mon visage décharné et fus anéanti par une vague de larmes.
Je pleurais ainsi un long moment. Je laissais s'échapper toute la retenue d'une vie d'égarement, tout ce temps perdu à rechercher le pardon.


Je pleurais mon innocence perdue...

[ Extrait de "Mémoires d'un ange déchu"]
à paraître un jour...

6 commentaires:

scotfot a dit…

powerful writings...nicely illustrated

un ange passe a dit…

thanks a lot Mister Soctfot ;-)

Anonyme a dit…

Je viens te découvrir tel un cheveu d'ange dans une simple soupe.. J'arrive de chez Do .. et ton pseudo a poussé ma curiosité ...
A te lire j'ai trouvé du plaisir.. j'espère pouvoir revenir me poser un temps sur tes mots ... à paraître un jour... Comme toi j'ai quelques mots qui trainent au fin fond de mon ordinateur .. qui paraîtront un jour ... ça nous fait déjà un point en commun .... Un début ? .. ;-)
A bientôt peut-être ...

Dominique- L a dit…

Bonsoir l’ange,

Est-ce toi qui as composé ce magnifique texte, si joliment rehaussé de ces superbes clichés et de L'Agnus Dei ?
Sais-tu que j'installerais volontiers mon lit devant ton écran ? ;-)

L'aquarium est également agréable et très délassant.

Dis-moi l'ange ? Sauf indiscrétion de ma part, n'aurais-tu pas des origines québécoises pour connaître autant d'expressions familières ? ;-)

Bonne soirée. Bises. Do

un ange passe a dit…

@ dragonfly : je remercie ta curiosité d'avoir poussé la porte de mes Instants ;-)
Sois là bienvenue !
Merci pour ton commentaire, ça fait toujours beaucoup de bien.
UN jour, nos timides textes sortiront peut-être de nos tiroirs virtuels pour notre plus grand bonheur et pour celui des autres, c'est tout ce que je nous souhaite !
Une amie s'est auto-éditée, tu peux la rencontrer à cette adresse : http://graines-d-esperance.over-blog.com/
si cela t'intéresse, écris moi à l'adresse que tu trouveras dans le blog pour avoir plus d'info !
En tous cas, merci et à très bientôt, passe une belle journée et au plaisir....

@ au temps qui passe : je ne sais pas si mon courriel se rendra jusqu'à chez vous, sinon je le récrirais... J'ai répondu à toutes tes interrogations !
Je te souhaite une belle journée aussi, qui je l'espère ne seras pas trop froide
P.-S. il y avait bien des violoncelles aussi ;-)

Pop ! a dit…

Ma rencontre avec Lui ressemblait un peu à celle de ton personnage, dans son inattendu et son intensité en tout cas... mais heureusement pour moi, c'est arrivé avant ma fin de vie...

Merci pour cet Agnus Dei dont je ne me souvenais pas, il est sublime et colle parfaitement à ton texte.