mercredi 17 mars 2010

L'enfant et le trésor

Ange vivait avec ses parents, et son aïeul, dans une modeste maison de pierres, sur les hauteurs de Figari, dans le petit village de Sotta. On l’avait ainsi prénommé comme son grand-père, parce qu’il était né à la Sainte-Angèle, comme son grand-père. Ange avait 6 ans. Il était beau et plein de vie. Ses yeux en amande brillaient d’espièglerie.
Lisandru, le père d’Ange travaillait fort pour nourrir toute sa famille. Il était ébéniste et travaillait le bois d’olivier avec amour et respect, comme le lui avait enseigné son père et avant lui son grand-père. Mais les temps étaient durs et incertains.

Chaque jour, Ange rentrait de l’école en courant ; et chaque jour il courait un peu plus vite, mais personne n’en connaissait vraiment la raison. Peu importait les saisons. Après le gouter, il gagnait le fond du jardin, et s’asseyait au pied du seul olivier, restant là des heures, à fixer un trou dans le tronc de l’arbre.
Au début, cette coutume amusait Lisandru. Dans cette drôlerie, il se revoyait enfant. Mais peu à peu, le mystère le gagna. Pourquoi son fils allait-il tous les jours - qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige - attendre des heures devant ce trou d’arbre pour rentrer le sourire aux lèvres, l’air heureux ?

Cette année là, le printemps fut splendide et l’olivier fut, en quelques jours, recouvert d’une multitude de petites fleurs blanches. Nos deux Anges passaient le reste de l’après-midi à contempler cette beauté éphémère et discouraient de la qualité des petites fleurs, qui donneraient certainement de très belles olives à la fin de l’été !
Par un bel après-midi ensoleillé, Lisandru vint se joindre à eux, silencieux. Puis il leur demanda ce qu’ils venaient faire ici chaque jour. Alors, Ange le petit, dit à son père :
« Papa, il y a un trésor caché dans le trou de l’arbre. Regarde, il brille si fort, il est si rouge que l’on croirait un cœur ! Le cœur de l’arbre ! »
Les deux Anges se sourirent et lui firent une place, et alors Lisandru tendit le cou pour voir. Mais il ne vit rien ! Son fils surpris lui dit : « Mais regarde bien, regarde mieux, il est devant toi, tu ne peux pas ne pas le voir, il brille si fort ! Pourquoi ne vois-tu rien ? » Pourtant il ne voyait rien !

Alors, Ange le vieux dit à son fils :
« Lisandru, mon fils, te souviens-tu ? Tu n’étais pas plus âgé qu’Ange aujourd’hui, et un jour, tu es arrivé en courant en me disant : « Papa, viens voir le trésor ! ». Je t’avais alors accompagné jusqu’à cet olivier et je ne voyais rien ; rien de plus qu’un trou dans un arbre, comme toi aujourd’hui. Comme toi, je suis venu, puis revenu voir ce trésor que tu voyais et que je ne voyais. Les années passèrent ainsi sans le voir, puis un jour, le l’ai vu. Ce jour-là, ta mère venait de mourir ! J’étais accablé de tristesse, ma vie venait de basculer. Ce jour là, en souvenir pour elle, je me promis de rêver pour deux, parce que ta mère aimait rêver. Ce jour là, le trésor m’est apparu ! Lisandru, n’as-tu jamais eu un rêve ? Comprends que le rêve est innocence, il est pureté du cœur et sans rêve ta vie est sans couleur, sans trésor ».

Lisandru avait oublié ses rêves. Il fallait nourrir sa famille et ne prenait plus guère de temps pour lui et encore moins temps pour rêver. Il regarda de nouveau dans le trou de l’olivier et ne vit rien. Il quitta les deux Anges, les larmes aux yeux. Lorsqu’il rentra à la maison et il trouva sa douce Eusebia préparant le souper. Elle le vit arriver les larmes aux yeux et s’enquit de sa tristesse.
« Eusebia, mon aimée, je ne vois pas le trésor que les Anges contemplent tous les jours, j’ai perdu mes rêves ! »
Eusebia savait de quoi il parlait, car elle aussi pouvait voir le trésor blotti au cœur de l’arbre. Elle se pencha sur lui et lui murmura avec douceur :
« Mon aimé, ferme les yeux, et écoute ton cœur. C’est de lui que viennent les rêves. A vouloir nous donner, tu as oublié en chemin, le plus important. Tu as perdu de vue cette lumière qui nous donne à Ange et moi, le bonheur. Pour notre bonheur, tu as perdu le tien. Lisandru, mon aimé, nous avons tout pour être heureux et nous t’en sommes tous très reconnaissants, mais aujourd’hui, je te demande une chose, une seule. Je te demande de rêver ! Mon aimé, souviens-toi des rêves que nous faisons lorsque nous étions jeunes. »

Submergé de larmes, il partit pour son atelier, s’assied dans le noir, laissa passer cette vague venue des tréfonds de son âme. Au bout d’une heure, il retrouva la paix et un sourire vint percer la dureté de son visage. Il se souvint de son rêve d’enfant. Il rêvait jadis d’une fée le transforme en aigle pour pouvoir voler dans le ciel de son pays si magnifique, de pouvoir ainsi épouser toute la magie de l’univers.
La soirée se passa dans le silence et dans le respect de la souffrance de Lisandru, seul Ange le petit souriait, avait-il compris ?!
Le lendemain, à l’aube, dans le brouillard, Lisandru alla à l’olivier, il se pencha et là, le cœur de l’olivier se révéla à lui, brillant de mille feux.


Merci Ptitsa, pour ses encouragements,
Merci à Kasimir, qui m'a donné le gout d'écrire et d'illustrer mon écrit
(cliquer sur leur nom pour vous rendre chez eux,
des trésors vous attendent !)

7 commentaires:

esquisse a dit…

decidément L'ange,mes passages ne sont qu"émotions chaque fois,superbe recit que je mettrais bien en dessins...tres touchantes histoires,profondes a souhaits,et qui accompagnée de "jean ferrat ne laisse rien d'insencible...Est tu la "maman de ce petit bonheur"qui a le don de serrer la gorge et gonfler le coeur,belle illustration...belle plume!!!

bises,

Esquisse

un ange passe a dit…

Bon matin Esquisse !
je te répondrais oui ! (pour tout).
La vie, mes amis, les gens que je rencontre m'inspirent ces contes. Les illustrations (photographiques et maintenant pastels) sont les miennes également.
Lorsque articles ou autres ne sont pas miens, je le signale et envoie les Instantiens chez celui à qui je les ai empreintés (sur demande uniquement).
Merci beaucoup pour tes compliments ! J'ai mis une autres chanson de Jean à ton intention, tu es passé trop tôt !
Belle journée à toi cher !

lachenaie.over-blog.fr a dit…

Comment ça , Ange, je t'ai donnéle goût d'écrire ?
J'en suis ravi, même si je ne sais pas comment j'ai fait ça !!!!
Je trouve ton aquarelle ravissante, forte : elle m'entraîne dans le rêve.
Merci Ange de ta réapparition sur mon blog.
Mais hélas je ne trouve pas ta news letter pour m'y abonner.
Where is it ?

esquisse a dit…

merveille ,que d'entendre mes "mouflons" preferés dans ton espace,pour avoir cejourné un certain temps dans ce petit ecrin qu'est la Corse,je suis tjrs attaché a cette ile par ,ces chansons,et les "AMIS"et leurs refelxions profondes sur certains"pinzutu"(continentaux)...bien joli moment;
A prestu bellu agnulu!

Esquisse

wondassista a dit…

Quel doux tresor tu ns offres la...
Parfois je me dis que je ne veux + rever car ts mes reves s'abiment avant meme d'avoir pris forme...
Mais je ne peux m'en empecher... et je m'abandonne au plaisir de rever...

Ptitsa* a dit…

Je suis heureuse de relire ce texte, heureuse que tu aies pu aller au bout de ce rêve, heureuse que ce soit un peu d'avoir frotté tes ailes aux miennes.
Et tu vois, comme rien n'arrive pas hasard, je relis différemment ce récit ce soir, et j'y trouve les mots et le réconfort que j'avais besoin d'y trouver. Merci !

un ange passe a dit…

@ mon POP préféré : merci de m'avoir aidé à achever mon projet !